DRAMATIS PERSONAE

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CONTEXTE

Venise a sombré, Venise a peur. L'eau s'est teintée de rouge, les rues devenues dangereuses. Cette ville autrefois si magnifique, si belle, comme un petit paradis sur terre est devenue froide et lugubre. À la recherche d'une jeunesse éternelle, deux organismes s'affrontent dans les rues de Venise dans un jeu de meurtre inlassable.

Aileen LevyAres RiveiraMnemosyne
06.08

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POKER FACE — l'as de trèfle qui pique ton cœur.

Dante T. Della Scala
Dante T. Della Scala


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Sam 14 Juin - 23:15


Life's a dream for the wise
AND A GAME FOR THE FOOL

Le portail s’ouvre en un grincement aigu de ferraille rouillée et je me souviens d’un ancien avertissement.  Toi qui entre ici, abandonne toute espérance.   Au bout du chemin bordé d’arbres, j’aperçois la façade du manoir Milesi, avec ses dizaines de fenêtres aux reflets mornes semblables à des yeux vitreux et son entrée somptueuse, béante comme la bouche des enfers. C’est un très bel endroit.  Je me croirais presque revenu à la maison. Dans des temps désormais révolus.    Les mains plongées dans les poches de ma gabardine beige, j’avance sereinement et sur le sentier sablonneux, les visions du passé qui m’assaillent finissent par s’estomper, comme de vieilles aquarelles. C’est idiot. La mémoire.   Sur le porche, un homme en noir, un domestique à l’air posé m’accueille poliment. Il m’invite à le suivre et ponctue chacune de ses phrases par un« cher monsieur » de bon aloi.  Comme le laisse penser l’aspect extérieur, le foyer du baron a tout d’un petit musé.  Mais je n’ai que très peu d’intérêt pour les vieilleries, aussi inabordables soient-elles.  En réalité, les ruines  m’indiffèrent.

Comme une ombre muette, je continue de suivre mon guide et les pièces s’enchainent. Un hall pharamineux. Un escalier de marbre ostentatoire. Un long couloir aux tapisseries de velours. Un second avec des tableaux sans doute inestimables. Tout y est pensé pour impressionner.  Pourtant ce luxe ne provoque chez moi aucune envie, aucun dégout. Je l’ai connu, je l’ai apprécié et je ne le regrette plus désormais.  Alors que nous nous arrêtons enfin, une porte dérobée,  à l’abri derrière une tenture biblique,   s’ouvre devant mes yeux. Saint Pierre n’apprécierait sans doute pas d’être le gardien d’un tel lieu. A cette pensée, j’entre dans la pièce et je me sens agressé par une forte odeur musquée, mélange de cognac, de cigares  et d’after-shave couteux. L’atmosphère est terriblement masculine, ambiance fauteuils en cuir et table de billard.  Dans ce décor tamisé par les lumières artificielles, je vois l’hôte  principal en grande conversation, complètement absorbé. Ses habits sont plus décontractés que lors de notre dernière rencontre mais son élégance est indéniable.  Avec ses gestes magistraux et son rire tonitruant, il a tout l’air d’un acteur de théâtre.  Soudain, il m’aperçoit et s’avance avec un grand sourire.

Monsieur della Scalla, nous n’attendions plus que vous !

J'aime faire attendre. Il me serre la main. Ou plutôt l’écrase avec la  vigueur d’un homme de quarante ans. Le sourire crispé, je lui retourne son salut.  

Enfin Gorgio, le manteau de monsieur, s’empresse-t-il d’ajouter sèchement, sans même un regard à son employé.

Il ne semble lui porter aucune considération.  Il doit se comporter de la même façon avec  sa femme. Pas étonnant qu’elle aille voir ailleurs.  Je retire la liasse de billet de ma poche intérieure avant de me laisser faire par le domestique.  L’argent ne manque pas d’attirer l’œil de mon hôte qui dévoile progressivement ses canines. Toutefois, je sens qu’il se retient de tout commentaire inconvenant.

Comme vous êtes nouveau laissez-moi vous présenter. Messieurs, s’il vous plait, prenez place à la table et laissez-moi vous présenter notre second nouvel initié : j’ai nommé M. Dante della Scala.

Je ne manque pas de relever le terme « second ». Mais sans rien ajouter, je pose l’argent sur la table et un employé vient immédiatement le remplacer par un nombre de jetons à la somme équivalente, puis je regarde les hommes autour de moi. Je connais la plupart de ces visages. Requin numéro un en diagonale. Requin numéro deux à ma droite.  Politicard corrompu à ma gauche.  Et devant moi, comme un éclair dans le noir, il m’apparait brusquement. Je ne l’ai jamais rencontré. Mais je le reconnaîtrais entre mille. Assis face à lui, je n’ose pas le quitter du regard de peur de le voir disparaitre comme un mirage. Milesi a sûrement dû s’en rendre compte et ne peut s’empêcher d’intervenir. Il me demande alors:

M. della Scala, vous connaissez peut-être notre premier nouveau venu,  M. Reed ?

Le regard fixe, un sourire s’étire sur mon visage.

Connaitre est un bien grand mot mais disons que nous avons une relation commune…

Je me lève et fait crisser désagréablement la chaise.  Penché au-dessus de la table ronde, je tends la main vers Reed avec ma meilleure expression avenante.

Je suis ravi de vous rencontrer enfin. Mlle Levy dit tellement de bien à propos de vous.

J’attends  sagement qu’il me retourne ce salut fratricide. Oui, c’est de la provocation à l’état brut. Et j’aime ça.

Alexei Reed
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Mer 25 Juin - 12:01

Quinte flush.



« Ce fut d'abord un murmure puis une douce mélopée qui naquit aux oreilles de l'homme allongé sur son futon, les yeux rivés sur le plafond. Une missive fut apportée par un sbire dont Alexei ne connaissait que le surnom, Pigeon. C'était très à propos d'ailleurs. Il se leva lentement et prit le papier. Enfin, l'enquête allait avancée ce soir. Il était temps. Cependant, il fallait opérer une transformation que notre jeune chef n'appréciait guère, même en se disant que c'était pour la bonne cause, il était difficile pour lui de revêtir un habit dit de 'noble'. Cependant, il s'étira comme un chat et commença sa dure épreuve sans ouvrir la bouche, congédiant l'homme d'un simple revers de main sans plus s'occuper de lui.

« Il ouvrit son placard magique et en sortit un vêtement caché dans une housse spécifique. On ne pouvait pas dire que le meuble regorgeait d'habits de grand luxe, loin de là, ils se battaient même en duel. Il posa le tout sur une chaise et délicatement dézippa le tout. Puis, il se déshabilla entièrement, ne gardant que son sous vêtement. Sortant lentement le tissu, il mit d'abord le pantalon près du corps noir puis, afin de cacher ses cicatrices qui zébraient sa peau pâle, Alexei enfila sa chemise aussi blanche qu'elle pouvait l'être, sans un plis ni un défaut. Il ajusta le nœud papillon devant une glace et se coiffa sommairement. Ses longs cheveux noirs comme la nuit étaient toujours très bien entretenus et brillants, certaines femmes pourraient le lui envier. Il les attacha en une queue de cheval haute, comme toujours, puis il enfila la veste longue, lui arrivant aux genoux. Elle était noire et coupée pour marquer sa taille fine et élégante. L'homme jeta un dernier regard à la glace, s'assurant qu'il ne ressemblait pas trop à un pingouin et hocha la tête de satisfaction. Il était beau, classe et semblait déborder de puissance. Cependant, on pouvait voir, au bout de quelques minutes d'observation, qu'il n'était guère à l'aise. Mettant ses bottes de cuir, il y glissa un poignard fin et s'assura que ce dernier était invisible.

« Il était temps d'y aller. Le chef sortit de ses appartements et sans un mot, sans un regard, il partit de sa maison sans dire au revoir à ses hommes qui jouaient à un jeu quelconque dont Alexei n'en avait strictement rien à faire. La ville était encore agitée sans que cela soit excessif. Tous ces petits êtres qui se baladaient innocemment se doutaient-ils de ce qui se tramait dans les bas fonds de leur chère ville ? Il secoua imperceptiblement la tête en les plaignant. Il voyait bien tous ces pauvres corps assis par terre à quémander un peu de pitence pour calmer leur ventre affamé. Il était bien le seul à les regarder encore avec respect et presqu'une pointe de compation. Au détours d'une ruelle, il lança un peu d'argent à l'un de ces pauvres bougres avant de reprendre son chemin sans un mot, ni même un sourire.

« Puis, le chef vit enfin le manoir où il devait se rendre. Il l'observa un instant, tout cet étalage de richesse lui donnait envie de vomir mais il se contenta d'entrer sans répondre au majordome qui lui demanda de le suivre. Les couloirs, les dorures, les meubles, tout cela aurait pu nourrir miles et une bouche rien qu'en revendant quelques bibelots inutiles au propriétaire. Cela dégoutait Alexei mais son masque neutre restait imperturbable sur son visage d'ange. Lorsque le maitre de maison vint accueillir son invité, l'homme émit un léger sourire de circonstance légèrement condescendant sans être irrespectueux.

-Enchanté monsieur Reed. Vous n'êtes pas en retard, votre ponctualité n'est donc pas que légendaire.

« Le chef se retint d'hausser les épaules et se contenta de le remercier d'un signe de tête. Il salua également les deux autres personnes présentes avant de retirer son manteau et de le donner au domestique qui tendait les bras désespéréments depuis quelques minutes. Puis, le joueur s'installa à la table de jeu, écoutant les conversations qui se déroulaient entre ces humains qui visiblement, se connaissaient depuis un moment. Il manquait quelqu'un crut-il entendre. Ce serait bien que cette personne se dépêche, Alexei avait envie de repartir le plus vite possible. Il n'eut pas finit sa pensée qu'on frappa à la porte et qu'on annonça un homme que notre jeune chef connaissait bien. Dante della Scalla... Là, il ne put s'empêcher de sourire longuement, décidément, il était amené à souvent croiser ce groupe.

« Alexei se leva légèrement en hochant la tête devant les mots du nouveau venu, visiblement, cela risquait d'être une soirée plutôt intéressante. Lui qui pensait qu'il allait s'ennuyer énormément, ce della Scalla allait surement être une distraction fort appréciable. Entendant la deuxième phrase de l'homme, Alexei sourit à nouveau, oui, une bonne soirée en effet. Il commençait à s'ennuyer ces derniers temps. »

-Enchanté monsieur della Scalla. Je ne peux malheureusement vous rendre la politesse concernant Melle Levy, elle ne m'a jamais parlé de vous. Ses priorités doivent être ailleurs, à n'en pas douter.

Dante T. Della Scala
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Jeu 26 Juin - 15:43


You know it's hard to dance
WITH A DEVIL ON YOUR BACK

Les aiguilles frappent  dix-huit heures trente. Mais je sais que dans cette histoire, le temps n’aura pas d’importance. Nous avons plus d’importance. Le monde peut bien s’arrêter de tourner. Son destin nous appartient. A nous, qui feignons l’amusement.  Mais ce n’est pas un jeu. C’est une mise à mort.   En attendant de pénétrer dans la fosse aux lions, je me rassois sans hâte, satisfait de mon entrée.  Et de suite, j’abats ma première carte. La fausse modestie.  

Oh vous savez, cela ne m’étonne pas. Je ne suis pas aussi digne d’intérêt. Il y a peu de chose à dire à mon sujet.

Sur le tien en revanche, je connais une personne intarissable. Est-ce que ses ondes de haine qui pourrissent la ville  te parviennent parfois ? Et est-ce qu’elles provoquent chez toi des nuits d’insomnies ? Je me demande.  Mais oserais-je ? En réfléchissant, je regarde les cartes, rapidement distribuées, s’abattre sur la table en claquement régulier. Je connais ce son. C’est celui que je préfère. Le jeu est sur le point de commencer et je sens grandir en moi une tension toute particulière, mêlée d’exaltation et d’impatience.  Je fais tourner ma chevalière autour de mon annulaire gauche avant de prendre en main mon jeu, c’est ma marotte de compétiteur invétéré.  Une paire. Mais je n’ai pas le temps d’être déçu, les enchères commencent.  

Mise de départ à cinq, intervient notre hôte.  A vous l’honneur,  M. Della Scala.  Et je suis sûre qu’il y a pleins de choses à dire sur votre sujet. Vous êtes un excellent spéculateur, par exemple, vos conseils m’ont été extrêmement profitables.

Il se met à rire et tire une bouffée de son cigare. Je lui souris en lançant mes jetons au centre. Il ne sait pas que les actions sont sur le point de s’effondrer.  Et quand il le saura, je serais déjà sorti de sa vie. Aussi rapidement que j’y suis entré. Finalement,   être admis à une table secrète n’a jamais été aussi aisé.  Il a simplement fallu que je commence par la femme. Cette faible créature délaissée,  enjôlée par des promesses d’amour éternel.  Elle m’a cru.  Et ça lui a plu. Suite à cette aventure, j’ai rencontré le cornard.   Je lui ai parlé d’intarissables sources d’argent. Il m’a cru. Et ça lui a plu.

Non,  je vous en prie, il ne s’agissait que de hasard.  Vous savez, la bourse est un jeu de chanceux. Comme le poker est un jeu de…traitres.  

Je lève les yeux vers Reed. Avec innocence.  

Traitres ? Vous y allez un peu fort je trouve,  répond  l’homme à ma gauche.

Pas du tout, il s’agit de mettre en confiance son adversaire et de le poignarder au dernier moment avec votre meilleure main. Personne n’est d’accord ? M. Reed ? En tant que stratège, je suis sûre que vous comprenez.

Je repose sereinement mes cartes sur la table, faces cachées.  Les regards se tournent de nouveau vers moi. Je relance sans me poser de question. Je ne m’inquiète pas pour l’argent.   Ce n’est pas le mien. Quand j’ai accepté de me renseigner davantage sur cette rumeur, on a sonné à ma porte et un inconnu m’a remis la liasse. Je ne veux rien savoir de plus.  Le reste ne m’intéresse pas.   Le reste est superflu.

Les tours s’enchainent avec monotonie et rien ne se passe. J’alimente les conversations pour ne pas dévoiler mon indifférence.  A ma droite l’homme porte une chevalière. Aucune marque, aucun symbole. Juste du toc en or plaqué.   Je fais fausse route.  Pourquoi m’avoir envoyé ici ? Pourquoi se tromper autant ? Fallait-il que je le rencontre ? Etait-ce prémédité ? Fallait-il que je le rencontre ?

Alexei Reed
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Sam 9 Aoû - 12:29

Quinte flush.



« Il faisait légèrement chaud dans la pièce, cependant une brise douce caressait lentement le visage d’Alexei alors qu’il ne cessait de darder ses yeux foncés sur le nouveau venu. Un faux modeste. Bien sûr qu’il savait qui était ce Dante, bien sûr qu’il connaissait ses capacités au sein de son organisation. L’homme n’était pas le dernier des imbéciles, loin de là mais il savait taire certaines informations plus ou moins compromettantes pour garder des cartes sous la table comme des atouts lors d’un jeu de tarot. Cette scène silencieuse qui se déroulait entre les deux personnages était bien plus intéressante que le jeu lui-même. Une légère tension était apparue dans les muscles de notre chef qui pourtant semblait impassible. Son visage était comme figé dans le temps, une statue posée là afin de tromper le plus grand nombre. La vie était un jeu de poker, si on ne simulait pas, on risquait la mort à chaque coin de rue.

-Vous êtes tellement modeste Mr Della Scalla. Auriez-vous quelque chose à cacher ? Une capacité quelconque sans doute.

« La voix d’Alexei était plate, son sourire indiquait une information contradictoire par rapport à ce que son intonation notait. Les autres ne relevèrent pas, sentant cette joute verbale bien trop haute par rapport à leur niveau intellectuel sans doute. Ils étaient dans des sphères si différentes, Alexei et Dante par rapport à ces riches et gras investisseurs qui ne souhaitaient qu’une chose, que leurs bourses grossissaient aussi vite que leur bedaine ridicule. La seconde phrase de l’homme assis en face de lui arracha un véritable sourire amusé à notre chef. Il sentait que finalement, il n’avait pas perdu son temps à venir ici. L’homme réfléchit un instant à son jeu avant de relancer et de poser ses cartes, ses mains venant se joindre devant lui pour jouer avec ses pouces.

-Il est certain que seuls les excellents stratèges comprennent la nécessité de trahir les personnes qu’ils ont soutenues lorsque ceux-ci se mettent à faire n’importe quoi.

« Le jeu devenait franchement ennuyant et la seule chose qui maintenait encore notre guerrier à cette table de poker était son intérêt pour ce fameux Dante. Il avait compris depuis qu’il était assis sur cette chaise inconfortable malgré sa richesse, que l’information qu’on lui avait donnée était fausse. Alexei soupira un long moment en fixant l’hôte de ce soir. Il riait fort à quelques blagues balancées ça et là pour entretenir la conversation qui s’étiolait lentement mais surement. Aucuns ne semblaient réellement savoir jouer au poker avec précision et avec autant de bluff que lui et Dante. C’était d’un ennuie profond tout ça. Cependant, l’étincelle de cette rencontre semblait avoir ranimé la curiosité légendaire du chef. Etait-ce donc ainsi que devait se passer ses futures retrouvailles avec son ancienne amie ? Par l’intermédiaire d’un homme aussi étrange qu’intéressant ? Seul l’avenir dictera sa loi à ce sujet mais l’avenir semblait bouger enfin. Il était temps. »

Dante T. Della Scala
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Mar 12 Aoû - 0:32


Under this skin I'm human
DESPITE EVERYTHING I'M HUMAN

J'oublie parfois. Qu’il existe une réalité où il est possible de perdre. De perdre tout ce que l’on a.  Et parfois j’oublie que nous vivons dans ce monde.  Ce monde fait de désillusions. Et parfois j’oublie que je suis aussi ce « nous ».   Moi et les autres.  J’oublie.   Un frisson parcourt mon échine comme une décharge électrique quand mes yeux croisent les siens.  Dans ses silences, je sais qu’il me jauge. Dans ses absences, je sais qu’il m’observe. Et il me maudit, sans expression, sans parole.  Moi et tout ce que je représente. Passé. Présent. Et futur —si nous devons en avoir un.  

Désolé messieurs, mais je me couche pour ce tour ci.

Ma voix est calme, mon sourire tout ce qui a de plus sincère. Intérieurement, impossible de me détendre. Je dépose sur la table ma paire de huit,  sans grande importance.   Hors course, je sens la pression retomber d’un coup. Il faut que mon attention se reconcentre.  Je ne dois pas me laisser perturber par la sensation électrisante que me procurent les piles de jetons qui s’entassent un peu plus à chaque tour.   Je ne suis pas ici pour jouer. Ce n’est pas un jeu. Je ne dois pas l’oublier. Je n’ai pas le droit de l’oublier.   Ou je pourrais le payer cher.  

En parlant d’abandon, rebondit l’homme à ma gauche,  Enzo Vivanco n’est pas venu, c’est étrange de sa part, non? Il a eu un empêchement ?

Quoi, vous ne savez pas ? Notre hôte parait très excité par la nouvelle, la note stridente sur laquelle se termine sa question ne laisse pas de doute.  Il reprend finalement avec un ton beaucoup plus grave, comme conscient du ridicule de sa première intervention. Il a été agressé, il est à l’hôpital : trois côtes fêlées, et le fémur brisé. Ils n’y sont pas  allés de main morte, c’est le moins qu’on puisse dire.

Je tends l’oreille par habitude, mais je ne m’attends à rien de leur part. A ma droite,  le joueur pose ses cartes, exaspéré, avant de siffler entre ses dents :

Nous ne sommes plus en sécurité à Venise.  

Même avec ses contacts dans le gratin de la police, il ne doit pas se sentir rassuré. Il doit en avoir des squelettes dans son placard. De vieux restes aux os blanchis.  Je m’empêche de sourire et garde une mine sérieuse.  Je dois faire semblant de m’inquiéter, d’ignorer ce qui se passe. Comme je le fais quotidiennement.  Grandiloquent, avec ses airs de tragédien, Milesi reprend :

Mon ami, comme vous avez raison ! J’ai entendu de sordides rumeurs, des gens étranges qui se baladent  la nuit dans nos rues. Certains disent que ce sont ces saltimbanques,  qu’ils frappent au hasard…Je ne sais pas ce que vous en pensez mais à mon avis,  c’est très probable.  

Dans la lumière tamisée, j’aperçois un éclair rosée, extrêmement furtif. Mon esprit me joue encore des tours. Je chasse rapidement cette mauvaise réminiscence. Je ne veux pas y penser. Plus il est loin, plus je suis assuré que mon passé ne reviendra pas.  Je l’ai enterré et pourtant il refait surface de plus en plus ces derniers temps. Il faudra que je m’assure que la tombe est bien scellée. Pour l’heure, je dois changer de conversation. Celle-là m’angoisse.  

Enfin, M. Milesi, ce n’est qu’un cirque. Un chapiteau avec des couleurs chatoyantes, des acrobates, des clowns, des dompteurs…que voulez-vous que ça cache ? Le grand méchant loup ?

Le grand méchant loup. L'expression résonne dans ma tête et avec elle, des images défilent rapidement. Le grand méchant loup. Avec ses dents de carnassier redoutable. Ses griffes acérées. Son instinct  imperturbable. Et son pelage à la couleur ironiquement inoffensive.  


Alexei Reed
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Mar 12 Aoû - 16:12

Quinte flush.



« Les tours s’enchaînaient, personne ne se couchait, si bien que la mise montait dangereusement. Alexei avait repéré que la personne à sa gauche semblait bluffer, il était prit d'un tic fort disgracieux le pauvre. Il ne cessait de cligner de l'oeil droit en se retenant visiblement de bouger sa main droite qui tremblait légèrement à chaque fois qu'il devait parler. Cela faisait sourire le Roi des échecs. Ils étaient tous ridicules à vouloir ainsi se prendre pour d'excellents imposteurs alors que les seuls pouvant prétendre à ce titre était lui et l'homme assis juste en face, Dante della Scalla. Décidément, leur amie commune savait toujours aussi bien s'entourer de personnes compétentes pour tuer. Fouiner et tuer. Cela faisait sourire le chef. Il aimerait bien la revoir et lui expliquer si seulement elle était assez ouverte pour comprendre.

« Alexei ne regrettait pas son choix, loin de là. Si c'était à refaire, il ne changerait rien. Cette fille était exceptionnelle, il la respectait profondément mais cela s'arrêtait là. Elle n'avait pas voulu écouter ses plaintes et ses idées alors il avait tourné le dos à ce groupe qu'il n'avait pas fondé. Maintenant, il était droit dans ses bottes, fier comme un coq mais puissant comme un roi. Ses pensées dérivaient alors qu'il fixait ses cartes, un carré d'as. Il soupira longuement en entendant le ton de leur hôte. Il en avait des détails croustillants mais rien qu'ignorait Alexei. L'un de ses hommes l'avait déjà prévenu aux premières lueurs de l'aube et la nouvelle allait de toute façon se répandre comme une traînée de poudre.

-Nous n'avons jamais été en sécurité à Venise. C'est bien connu.

« Oh Alexei savait de quoi il parlait. Lui, l'enfant des rues abandonné jeune, laissé à lui-même. Il avait connu la misère des rues, le côté impitoyable, la loi du plus fort. Et maintenant, il était l'un des meneurs. Alors que ces gros lourdaux ne devaient même pas savoir ce qu'était un véritable danger. Il se retint de sourire et de lâcher une ou deux phrases cinglantes. Décidément, ces riches étaient incapable de voir les enjeux qui se jouaient enfin sous leurs yeux vitreux. La vie de Venise changeait et le pouvoir également. Bientôt, même leurs argents ne pourraient les protéger et les murs de leur hautes maisons ne seront plus qu'une prison pour ceux qui n'avaient jamais regarder à leurs pieds pour aider les âmes en peines. La loi du plus fort. Survivre. Alexei savait comment cela se produirait. Il l'avait toujours su.

-Je demande les jeux.

« De sa voix froide, il déposa sa main sans un sourire, sans aucun autre signe de son agacement. Il soupira, remarquant que leur hôte trichait ostensiblement en tendant une quinte flush. Il ne fit aucune remarque, tant pis pour l'argent perdue, il était venu ici pour des informations et la seule chose à noté était son étrange rencontre avec ce type en gabardine. Il se leva prestement et se dirigea vers l'une des fenêtres sans rien dire, ne répondant même pas à son hôte qui souhaitait savoir si une autre partie le tentait. Pourquoi étaient-ils si aveugle ? »

-Un cirque dirigé par une personne étonnement clairvoyante par certains aspects. En effet. Mr dela Scalla a raison. Mais il y a bien une chose que les grands craignent plus que tout, non Mr Milesi ?

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