« Le scandale du monde est ce qui fait l’offense, et ce n’est pas pécher que pécher en silence. »
▬ Molière
Comme le souvenir est voisin du remords.
Ta jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage, de l'existence immense, au plus noir de l'abîme. Infortunée démonstration d’un martyr de la providence, pauvre garçon que tu eu demeuré et dont l’enfance fut délestée. Arrachée.
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine, t’en voilà maître, jeune profane. Eurent murmurés tes maux, douce mélopée que tu eus ouïes, frémissant d’angoisses funèbres. Et tu te souviens… Son front pâle, embelli par un morbide attrait. Son visage, troublé d’une fureur sauvage. Ses yeux profonds, emplis d’horribles pensées, alors éclairés d’une lueur avide. Ses doigts, étreignant ta nuque à te la briser, vibrantes douleurs dans ton cœur plein d‘effroi.
Et luttant, toi suffoquant, étouffant entre ses paumes. Nouvelle victime de ton don sataniste.
▬ Amb…rosie… ! L…Lâche-m—
Et elle serre, encore, toujours. Et tu appels au secours de ta fièvre hurlante, étouffé sous la pression du remord, jusqu’à que la valse mélancolique de l’obscurité te recouvre de son voile d’ébène.
Tendre inconscience, oui, dont tu en as savouré les vertus infâmes.
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A la pâle clarté des lueurs languissantes, la voilà qu’elle s’étire, cette beauté de nonchalance et de désinvolture.
Tu observes, tu détailles ce teint pâle et chaud, grande et svelte créature se mouvant sur ton lit aux draps blêmes. Et tandis que tu t’approches vers la demoiselle au charme farouche, fait entendre une remarque sur sa fragilité naissante, la voilà qu’elle rétorque avec bien trop d’aisance :
▬ Mouais… Mais je vois déjà bien assez mal les couleurs comme ça… les lunettes m’entravent tellement.
▬ Elles t’entravent peut-être la vue, mais ça reste mieux que de te brûler inutilement la rétine.
Sa main délicate effleure alors ton cou, frisson te prenant lorsque des souvenances resurgissent dans ton esprit nébuleux, stigmates lancinantes agrémentant ta peau. Rapidement, elle boutonne ta chemise afin de ne plus avoir à constater ses marques hideuses, sa joie se fanant, honteuse :
▬ Bon je reviens, 'faut qu'j'me lave.
Et elle te fuit, toi le démon séraphique.
Et le silence morne, insipide, reprend son trône.
▬ ... Je n'ai jamais voulu ça.
Nos péchés sont têtus mais nos repentirs sont lâches.
Dit moi, beau tentateur, le regrettes-tu vraiment de posséder un tel don ?
▬ AAAH ! MARCO ! AU SECOURS !
Subite appel, alarmant ton cœur, affolant ton corps. Sans nulles réflexions, nulles hésitations, te voilà te ruant dans la pièce voisine :
▬ QU'EST-CE QUI SE PASSE ?!
▬ MARCO ! L'EAU CHAUDE A DISPARU !
▬ ... Quoi ?
…Est-ce une farce ?
La chaleur décuple, t'apercevant, pantois, de ce spectacle sans pudeur. Ta contemplation se perd sur la toison dorée qui se joue au bord de ses clavicules, comme un ruisseau lascif qui se frotte au rocher, sa poitrine radieuse, ses formes aux courbes sinueuses, parfaites et… oh mon dieu, mais à quoi songes-tu ? Tu attrapes alors une serviette et lui projette au visage :
▬ C-Couvre toi, idiote !... Qu-Qu'est-ce qui te prend de hurler comme ça ?! Tu m'as fait une de ses peurs... Soupire, las. L-L-L’eau chaude est… l’eau chaude… Tu ravales ta salive, rougissant, visions perverses déguisant ta raison. H-Hm… i-il y a surement eu une c-coupure… !
Dans quel embarras t'es-tu encore fourré, Marco.