DRAMATIS PERSONAE

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CONTEXTE

Venise a sombré, Venise a peur. L'eau s'est teintée de rouge, les rues devenues dangereuses. Cette ville autrefois si magnifique, si belle, comme un petit paradis sur terre est devenue froide et lugubre. À la recherche d'une jeunesse éternelle, deux organismes s'affrontent dans les rues de Venise dans un jeu de meurtre inlassable.

Aileen LevyAres RiveiraMnemosyne
06.08

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DANTE ☸ LA DIVINA COMMEDIA

Dante T. Della Scala
Dante T. Della Scala


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Ven 6 Juin - 21:03

DANTE DELLA SCALA

HÉRITIER


   
DANTE TRINITA DELLA SCALA
VINGT-SIX ANS
LUS SANGINI ・ DIX DE COEUR ; PARASITE
GÉOLOCALISATION 【s an g u i n i s ・r o s a】

Au contact de son propre sang, la rose des vents gravée dans la paume de sa main gauche s’active et lui permet de retrouver la trace d’une personne qu’il recherche. La scarification une fois souillée,  sa peau se met à frétiller comme  agitée de l’intérieur  et le sang se glisse dans les interstices de l’entaille pour indiquer le chemin à suivre. Si la traque requiert plus de temps, la rose se doit de rester alimenter en  sang; en réponse elle puise alors  elle-même dans les veines du sujet contaminé.  Toutefois cette « rose de sang » permet uniquement à Dante de retrouver les personnes dont il connait le nom et le visage.  





   

Giardino dell'Eden


   

J’ai fait un rêve. J’y ai vu les eaux se muer de bleu en rouge et j’y ai contemplé le père de nos pères, sourd aux prières de ses enfants à genoux.     J’y ai entendu le ciel se briser en mille éclats de voix et j’ai senti la terre s’éventrer sous  mon poids. Des milliers de constellations sans un bruit se sont effondrées au cœur de la nuit. Dans cette apocalypse, j’ai fait corps avec les ténèbres et j’ai offert ma peau aux supplices des flammes.  Et,  les yeux ouverts sur les filles et fils d’Eve, la vérité m’a été révélée, nue comme au premier jour.  Tous les diables sont ici. J’ai sombré plus profondément encore, dans la noirceur et la douleur. Pour toujours, à ma place, dans le sang et la fange. Mon sommeil a  pris fin et j’ai ressuscité. Mais ce n’était pas un rêve.  

« J’ai servi le Ciel. Et j’ai connu l’Enfer. »

Il y a comme un parfum de cendre dans mes cheveux blonds.  C’est l’odeur du vice.  Le démon du jeu a excité en moi des désirs que je ne connaissais pas. La soif d’argent. La peur du manque.  L’enfièvrement du duel. L’appât du gain. Le goût de la victoire.  Le tourment de la défaite.  Tous ces plaisirs qui me tuent et me rendent toujours plus vivant.  Au son  des cartes qui s’abattent sur la table, j’ai vu mon existence se détruire et ma vie se décomposer. De chance en déveine, les dés ont été jetés. On m’a renié en fils prodigue. Je suis revenu en fils prodige.  Plus fort. Plus déterminé. Plus impitoyable.  J’ai été faible, et je m’en excuse. J’ai désormais la force et ma fortune sera bonne.  Car  j’ai reconnu mon Dieu et il n’est pas l’idole sur la croix.    

« Si tu n’as qu’un seul Dieu,  souviens-toi des milliers de démons avec lesquels j’ai valsé. »

Les âmes pures n’existent que dans les livres d’images. C’est un rêve que l’on fait miroiter aux enfants pour préserver tardivement l’innocence.  Tour à tour saints et diables, nous ne sommes qu’une parfaite nuance de gris.  Je ne suis pas le jour. Je ne suis pas la nuit. Mon paysage n’est pas monochrome.  Ne parlez pas de bon ou de mauvais, ces choses-là n’existent que dans l’imaginaire. Je suis humain et ma nature est capable du pire comme du meilleur.    Ma philosophie n’est pas la leur et je répugne aux hommes de mon temps. A tous ces esclaves dont j’ai fait partie.  A toutes ces créatures terrestres qui pensent être rongés par le péché. Qu’il en soit ainsi, si tel est leur choix. Moi, j’ai tranché tous mes dilemmes. Je ne vivrai plus dans le remord.  Pour que ma volonté sois faite, et non plus celle des autres. Ces autres qui me sont étrangers.

« Les chants les plus beaux ne sont que d’immortels sanglots.»

Quand l’ennui me guette, l’angoisse de la solitude me revient en tête.  J’éteins la lumière et j’ouvre grand les yeux. L’obscurité m’enveloppe de son lourd manteau sombre, divinement impénétrable. Et je réalise enfin. Que cette noirceur telle que je la perçois ou telle que je la vois, plutôt, n’existe pas. Elle ne m’est ni étrangère ni extérieure. Cette obscurité est en moi. Toutefois, je ne la laisserai pas me dévorer. Je noierai ma peur dans les plaisirs futiles et dans les jouissances immédiates. Mes paupières sont lourdes d’envies et mes sentiments sourds au cœur.  Mais je serai doux à tous ceux qui me feront oublier le fardeau de l’homme solitaire. Dans le froid,  je cherche la chaleur humaine.  Je deviendrai celui que l’on veut que je sois, quitte à changer de peau et à tromper le monde. Je serai acteur.  N'ayez donc pas foi en moi car je n'ai foi en personne. Ma confiance est un animal sauvage. Elle mord et requiert d’être apprivoisée.  Mon respect, lui,  est fragile.  Je suis le caméléon de tous les possibles, l’espion à la veste  réversible.  

« Ose encore me parler du divin quand même la mort n’a pas voulu de moi.»

Je pardonne car j’ai dans mes veines toute la patience et l’indulgence des meilleurs saints. Je ferme les yeux sur  la violence et les conflits.  J’ai un sourire affable et les mains chaudes.  J’accueille l’agneau et l’assassin, les sacrifiés et leurs bourreaux.  Puisque tout le monde s’égare, il faut absoudre. La vérité je la connais : la lumière n’existe pas sans l’obscurité.  La vie ne souffre pas d’arrêt et la musique continue. Je danse au gré de mes fantaisies.  J’aime dominer. J’aime plaire. J’aime séduire. J’ai le goût de la conquête ardue. Mais la possession ne m’intéresse guère. Je ne fais que collectionner les souvenirs de victoire. Je faute et puis j’oublie.  Je suis l’acteur de ma propre vie.  J’aime me montrer. Physiquement, intellectuellement, sans pour autant vivre par procuration dans les yeux d’autrui. Certains voudraient pouvoir me museler et me garder à leurs côtés. Mais les laisses d’or m’insupportent et l’image d’objet m’incommode. Je veux seulement laisser une trace indélébile de mon passage.  C’est peut-être prétentieux, mais peu de gens s’en plaignent. On recherche ma compagnie oisive. Elle est plaisante et amusante. Comme un remède à l’insoutenable pesanteur de l’être. Les terre-à-terre me diront excentrique et ils n’auront rien compris.  





   

Cerchi dell'Inferno


   
Le Premier cercle — Les limbes des païens.

Dans la chaleur des bayous de Louisiane, notre embarcation fend les eaux boueuses avec une lenteur douloureuse.  Ma transpiration s’écoule en sueur froide dans ma nuque et  je sens le tissu de mes vêtements coller contre ma peau brûlante. La moiteur est lourde, presque insupportable. Avec agacement, je chasse d’un revers de main le moustique qui vient de se coller contre ma joue.

On arrive bientôt ? Je sais que mon ton trahit mon impatience, mais l’humidité  extrême puise dans mes forces. Et plus la vigueur me quitte, plus mon irritation grandit.

La jeune femme qui m’avait tant séduit la veille dans ce bar miteux se retourne vers moi, dévoilant un sourire d’une blancheur carnassière.  Mon regard glisse lentement sur ses épaules dénudées. Je contemple un instant le soleil qui se reflète sur sa peau métissée et les souvenirs de la nuit passée me reviennent.  Je souris.  

Patience, une rencontre avec grand-mère Freda, ça se mérite.  Mais si tu veux tout savoir sa maison n’est plus très loin.

Tu parles d’un endroit pour habiter, je me presse d’ajouter, l’air goguenard.

Elle ne répond rien mais continue de me sourire tout en dirigeant adroitement la barque au détour d’un passage étroit.  Et soudain je l’aperçois, comme tout droit sorti d’un décor de fiction. Une cabane en bois construite sur pilotis,  envahie par les plantes grimpantes et rongée par l’usure du temps. Un lieu aux frontières du réel que je devine être un repaire de sorcières vaudou depuis au moins deux siècles.  Nous débarquons en silence. Avant de monter, Tiana s’assure d’attacher l’embarcadère à un vieux pilonne de fortune. Sur le seuil de la porte un poulet égorgé, pendu par une patte,  nous « invite » à entrer.

N’ai pas peur, me dit ma guide en posant une main sur le volatile. Le sang contente les mauvais esprits et les dissuade d’entrer dans les maisons.

J’ai pourtant comme l’envie de reculer.  Mais je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien. Je veux voir. Je veux mettre ma foi à l’épreuve.  Et finalement la curiosité l’emporte sur l’appréhension.  Dans la cabane aux senteurs boisées, l’air se fait étrangement plus frais. La lumière entre tamisée par d’étroites fenêtres voilées de fins rideaux grisâtres, sûrement blancs il fut un temps. Au centre de la pièce principale, une femme assise en tailleur à même le plancher nous tourne le dos.  

Grand-mère Freda, je…

Assis-toi mon enfant et toi aussi l’étranger.  

Un frisson me parcourt l’échine. Comment peut-elle savoir ? C’est impossible.

Je vous ai déjà vu.  Dans un rêve, reprend-t-elle.

J’ai envie de hurler au canular mais ma bouche reste hermétiquement close. Au plus profond de moi, j’ai en réalité la désagréable impression que cette vieille sorcière s’est introduite dans mon esprit. Mal alaise, je prends toute de même place aux côtés de Tiana.

Non, toi  ici, à  ma gauche, réclame la vieille femme dont je vois pour la première fois le visage tanné par les  années passées sous ce soleil de plomb.  Je m’exécute, sans broncher.

Sur le sol, devant nous,  un cercle de bougies noires dont les flammes vacillent doucement dans l’air chaud.  La femme approche un couteau tout près de ma joue. Je prends peur et recule mécaniquement. Elle me coupe alors quelques cheveux. Entre ses doigts sombres la mèche volée me parait presque blanche.

Que veux-tu, étranger ?

Elle me dévisage avec ses deux grands yeux noir de jais.

Ce n’est pas l’amour, ce n’est pas la chance, ce n’est pas l’argent. Que veux-tu donc ? La vengeance ?

Je nie d’un geste de la tête.  Je ne sais pourquoi je n’ose m’adresser à elle.

Oh oui, je vois. Tu veux des réponses. Tu veux savoir.

Grand-mère Freda, tu as allumé les bougies noires, tu étais au courant, n’est-ce pas ?  La voix cristalline de Tiana me sort de ma stupeur.  Je me sens comme rassuré. Mais la vieille ne répond pas à la question.

L’étranger a eu vingt-deux ans cette année, n’est-ce pas ?  Le nombre de bougie devrait correspondre.

J’ignore d’où elle tient ses informations. J’ai même menti à Tiana lors de notre rencontre. Mais peu importe. Je refuse de me laisser tourmenter par quelques bizarreries locales. Ma croyance est plus forte que cette sorcellerie, j’en ai l’intime conviction.  Je compte rapidement le nombre de bougies allumées devant moi. Je me sens obligé de la contredire :

Il y en a vingt-trois.

La femme se lève et disparait dans une pièce voisine. A son retour, elle porte avec précaution un vieux bol en bois que je devine rempli. Elle se rassoit  et daigne enfin me répondre.

Oui, une pour chacune des vingt-deux années passées et une pour l’avenir.  Tu voulais des réponses, non ? Eh bien, les esprits les détiennent. Mais pour les comprendre, il te faudra revivre le passé et entrapercevoir  le futur.  Maintenant bois.

Elle me tend le bol. Dans le contenant,  je devine un vin sombre. Je sens le liquide épais et  étrangement ferreux glisser dans ma gorge. Et soudain, je réalise mon erreur. Je recrache avec dégoût.

Du sang ! C’est du sang!  Nauséeux, j’ai du mal à reprendre ma respiration.

Ça  suffira, murmure la sorcière en s’empressant de bruler ma mèche de cheveux.

J’ai alors juste le temps de voir la flamme bleuir dans le clair-obscur avant de sombrer dans l’inconscience.  

Le Second cercle —Le jugement des damnés.

Père me traine le long de l’immense couloir menant jusqu’à ma chambre. Son emprise sur mon bras me fait mal. Mon cubitus menace de craquer sous la  pression.  J’ai huit ans et une ossature fragile. Je pleure. Je cris. Je souffre. Il ouvre violemment la porte et me projette dans la pièce. Libéré, je frotte mon membre endolori.

Tu as cru malin de me ridiculiser devant tous les invités ?

Je  me pince l’intérieur de la joue  pour éviter de répliquer comme un irréfléchi. Tourne ta langue sept fois dans ta bouche, me dit toujours maman en plaisantant.  Cette fois,  c’est peut-être plus sûr.

Pour qui te prends-tu, hein ?

Cette fois-ci je craque.  C’en est trop. Pour la première fois, je comprends le sens du mot « injustice ».

Je suis l’aîné !  Et père, vous devez me respecter en tant que tel !

La gifle part sans que je ne puisse rien n’y faire. Son regard est mauvais, il sert les dents, et s’approche de mon visage.  Je sens son souffle chaud sur moi.

Notre nom se mérite, petit impertinent.  

Il se recule, enlève son chapelet de jade et me l’envoie en plein visage. Les perles fouettent mes joues, électrisant ma peau déjà rougie par le premier choc.

Huit Ave Maria et deux Pater Noster pour ton insolence.

Son regard est dur et sa voix tranchante. Je ramasse  le rosaire et baisse les yeux. Honteux,  je m’exécute d’une toute petite voix comme une bête de foire bien apprivoisée.

Ave Maria, gratia plena.  Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus…

Sûrement satisfait, il tourne les talons sans un mot, prenant soin de faire bruyamment claquer la porte derrière lui. Deux heures plus tard, il reviendrait pour s'excuser de son emportement.  

Le Troisième Cercle — L'Antre de Gargantua.

J’ai douze ans et dans le bureau de Père tout me parait affreusement démesuré.  Même les accoudoirs de mon fauteuil sont ridiculement larges pour ma taille. Les yeux rivés sur le document qu’il rédige, il ne daigne même pas lever les yeux vers moi.  Comme chaque semaine, le même jour, à la même heure, j’ai le droit au même cours, à la même scène.

Qui sommes-nous ?

Les patriciens. Les derniers aristocrates de Rome.  

Bien. Maintenant,  de gauche à droite. Les trois premiers seulement.

Je regarde les portraits accrochés aux murs. Des peintures ayant traversé les générations, représentant des hommes à la mine sévère et aux habits ecclésiastiques richement décorés.  Il  y en a six en tout.  

Lucius III, né en 1097, de son vrai nom  Ubaldo  Allucingoli Della Scala.  Innocent IV né en 1180, de son vrai nom Sinibaldo Della Scala. Martin V, né en 1368, de son vrai nom  Oddone Colonna, fils  cadet d’Irena Della Scala.  

Que représentent-ils ?

Le pouvoir et l’influence.  

Que souhaites-tu représenter ?

Le pouvoir et l’influence. Mais je ferai en sorte de perpétuer notre lignée.

Bien.  Tu as raison, l’habit de pape est désormais très démodé.  

Il lève enfin la tête et me félicite d’un sourire. Je me sens si fière à cet instant. Il se redresse, fait le tour de son large bureau d’ébène pour finalement venir poser une main amicale sur mon épaule.

Un jour tu seras digne de mon fardeau.  Tu peux disposer.

Avant de partir, je me retourne une dernière fois et je le vois contempler rêveusement la chevalière qu’il porte à son annulaire gauche.

Le Quatrième Cercle — La Terre des Fils Prodigues.

La pièce est si enfumée que je ne distingue même pas mes cartes. Dans la salle de classe de mon pensionnat privé, les joueurs ont entre quatorze et dix-huit. Comme un parfait équilibre j’en ai seize.  Les mines sont étrangement sereines mais intérieurement tout le monde a la peur au ventre. C’est la crainte de se faire prendre, et pire encore de se faire renvoyer chez nos parents.  

Je relance de dix. Dante ?

C’est un petit gars malingre de ma classe. Il ne paye pas de mine mais il est le fils d’un grand industriel automobile.  Celui au cheval cambré.  Je reprends une bouffée de ma cigarette et j’expire la fumée en direction de mon dernier adversaire qui ne s’est toujours pas couché.

Je suis.

Je lance la monnaie au milieu du cercle avec un petit sourire provocateur. Il ne connait rien au bluff.  Je sais que ça le déstabilise.

Oh, les gars, matez-moi ça !

Un blondinet  dont j’ai oublié le nom nous met sous le nez un magazine pour adulte.  Tout le monde semble hautement intéressé par la créature dénudée en double page.  C’est la période des premiers émois. Et je n’échappe pas à la règle.

Bah ça alors ! Avec des pare-chocs comme ça, elle n’a sûrement pas besoin d’airbag  dans sa voiture, s’exclame le boute-en-train du groupe en prenant bien la peine de mimer la chose.

Tout le monde se met à rire. L’insouciance nous a gagnés. Après tout, quoi qu’il arrive, nous sommes jeunes, riches et promis à de brillants avenirs.  De parfaits  fils prodigues en devenir.

J'annonce une quinte flush. Je baisse les yeux et je contemple quelques instants  la suite parfaite de mon adversaire qui s'étale sur le bureau.

Et merde.  

Le Cinquième Cercle — Les Veines de la Colère.

Cette scène, je l’ai déjà vécu. Mais jamais avant autant de rage et d’amertume. Dans le salon cosy de notre manoir, nous nous amusons à s’entre-déchirer. Je vois mon père faire les cent pas, hors de lui. Et dans un coin  de la pièce, ma mère et ses longs cheveux blonds, dissimulant un visage aux yeux rougis par les larmes.  J’ai dix-huit ans et je pense être un homme. J’ai dix-huit ans et rien n’est impossible. J’ai dix-huit ans et je suis invincible.

Vous pensiez que j’étais à ce point stupide ? Et toi, Katharina, tu comptais encore le protéger longtemps ?

Elle enfouit sa tête dans ses mains. Impuissant, je vois son corps, agité par de violentes lamentations silencieuses.  Elle parait si fragile. Je voudrais la prendre dans mes bras.

Et toi, tu n’as pas honte ? Pour ta mère ? Pour notre famille ?

C’est ma faute. Ne l’accusez pas. Sur l’instant, je me sens brave.

C’est de ta faute, hein ? Alors dis-moi pourquoi tu n’assumes pas ? Pourquoi depuis des mois, ta mère s’obstine à rembourser les dettes de jeux que tu sèmes aux quatre vents ?

Je me pince les lèvres, piqué au vif dans mon orgueil.

Alors, réponds ! J’attends !

Je m’obstine à garder le silence.  Il s’approche alors de moi et me saisit par le col. Je réalise alors à quel point je suis faible. Ma carrure frêle m’empêche de me débattre.  Sa poigne est celle d’un homme et je suis toujours un enfant.  Un fils en rébellion.

Si tu ne veux pas de moi, tu n’as qu’à me mettre dehors ! Au moins, je n’aurai plus à supporter tout ça !

Je regrette déjà.  Son emprise se desserre petit à petit dans un silence de mort. Étrangement, sa colère semble être retombée.

Très bien prend tes affaires et va –t’en.  Sa voix  est étonnamment calme.

Sur le coup je ne réalise pas. Mais déjà ma mère, suppliante, se précipite vers lui et s’accroche à son bras.

Non, je t’en prie. Ne fais pas ça à notre fils. Je t’en prie.

Il la repousse d’un geste sec.

Tu l’as entendu comme moi.  Si c’est ce qu’il veut.

Je sens ma lèvre inférieure trembler de colère. Mon poing se resserre et sous la pression, mes ongles se plantent jusqu’au sang dans la paume de ma main. Je quitte le salon sans un mot et j’arpente pour la dernière fois le couloir en direction de ma chambre.

Le Sixième Cercle — L'Abysse aux Hérétiques.

J’ai passé neuf mois dans la rue. J’ai mal. J’ai faim. Je ne dors plus. Je bois trop. Mes idées sont confuses.  Je ne peux plus continuer à jouer. Je n’ai plus d’argent.  On me fait du mal. Je ne peux pas payer. J’ai peur de mourir tabassé, un soir, dans une ruelle,  comme un vulgaire chien errant.   Je veux qu’on m’aide. A  genoux devant mon père, je pleure comme un nouveau-né. J’ai honte.  Je voudrais disparaitre. Et pourtant c’est l’instinct de conservation qui m’a ramené à la maison.  Je ne suis qu’une ombre. Un ramassis de misère et de problèmes. Si j’avais eu le courage je me serais déjà tué. Mais je ne suis qu’un lâche.  

Père, je vous en prie…pardonnez-moi. Redonnez-moi une chance… je serai un meilleur fils.

Face contre terre, je n’ose pas l’affronter.  Alors que je pense me faire frapper à grands coups de pieds, il s’accroupit à mon niveau et m’oblige à lever la tête.

Mon fils je vais te pardonner. Mais est-ce que toi tu peux te pardonner ?  Est-ce que tu peux t’absoudre de tes maux ?

J’approuve en secouant la tête tandis que les larmes coulent sur mes joues. Je suis pathétique. Je me hais. Il me caresse alors le crâne comme on cajole un animal apeuré.

Dans ce cas-là, je vais t’y aider.  Je te promets qu’ensuite tu en auras fini avec cette vie de dépravation et que tu ne souffriras plus.

Le Septième Cercle — Le châtiment des atrabilaires.

J’ai perdu le cours des choses. Je ne sais plus depuis combien de temps je suis enfermé dans cette chambre. Trois semaines ? Un mois ? Deux ? Peut-être plus ?  Je n’en sais rien. Mon foyer est devenue est une prison. Je n’ai que de rares contacts avec l’extérieur. Trois pour être plus exact.  Mère m’apporte mes repas à heures fixes. Le Père Gabriel de notre paroisse vient, lui, chaque jour s’entretenir avec moi. Et enfin la fenêtre de ma chambre,  avec sa vue sur notre petite cour intérieure. Seuls points positifs à cet enfermement : je ne bois plus, je ne joue plus et ma vie n’est plus en danger.   Mais la solitude et l’ennui me rongent.

J’entends des bruits de pas qui se rapprochent dans le couloir. Il est dix-sept heures. Cela ne signifie rien pour moi. Il est trop tôt pour  diner et le Père Gabriel est parti depuis déjà deux bonnes heures.  La porte s’ouvre brusquement.  Mon  père apparait dans l’encadrement de l’entrée, accompagné de deux hommes que je ne connais pas.  Je le regarde,  livide,  comme si je venais de voir un revenant. Il me tend la main et m’invite à le suivre.  Je me lève, sans poser de question et tous les quatre nous descendons dans les tréfonds du manoir, là où je n’ai jamais osé mettre les pieds.

Au centre de la cave froide et humide, une simple table en bois. Pas une seule chaise.  Ce détail me surprend.

Enlève ta chemise.

Comment ?

J’ai dit : enlève ta chemise.

Je m’exécute, terrifié à l’idée de le mettre en colère et de ruiner tous les efforts liés à cette longue période d’isolement.

Attachez-le.

Sans crier gare, les deux hommes m’empoignent mais cette fois-ci je ne suis pas aussi docile. Je me débats. Je hurle. Je tente de m’enfuir

Qu’est-ce que ça veut dire ? Père !

L’instant d’après, je suis sur le ventre, solidement  enchaîné à  la table. Un des inconnus tente de me  mettre un linge mouillé au fond de la gorge mais je persiste à refuser, secouant la tête comme un damné. Père intervient alors.

Tu en auras besoin. Alors accepte.  

Je ne comprends pas. C’est seulement quand la lame froide d’un scalpel commence à entailler la peau de mon dos que je réalise. J’agrippe le tissu avec ma bouche et je sers à m’en décrocher la mâchoire.  

Au bout de trois heures de sévices, on me libère enfin.  Le dos ensanglanté, j’ai du mal à me lever. Je tombe dans les bras de mon père.  Tous deux agenouillés, il m’étreint et je sens ses larmes couler sur mon épaule nue. Sans un mot, il retire sa chevalière en or et la passe à mon annulaire gauche.

Mon fils. Il est temps que tu saches la vérité.

Je reste las, complétement vidé, alors que le patriarche se penche à mon oreille.  Je comprends que je vais être initié.  Mais je n’ai même plus la force de pleurer ou de me réjouir.

Le Huitième cercle — La Boîte de l’Illusionniste.

Si vous aviez la possibilité d’être éternellement jeune et vivre indéfiniment, mon père, que feriez-vous ?

Je ne comprends pas, mon enfant, pourquoi cette question ?

Je voudrais juste avoir l’avis d’un homme de Dieu. Sur l’immortalité.

Mais enfin c’est insensé, vous le savez, n’est-ce pas ?

Oui, je le sais. Mais imaginons,  un seul instant, qu’on puisse vivre pour toujours.

Le silence s’installe dans l’étroitesse du confessionnal. Le prêtre semble vouloir peser ses mots.  Je l’entends déglutir.

Je…refuserais. L’homme possède déjà bien des fardeaux.  Et celui-là serait le pire maux de tous.  Nous ne sommes pas faits pour vivre éternellement. Il faut accepter de n’être qu’un visiteur.

Je respire. Soulagé.

Merci mon père.

Je sors de l’isoloir avec décontraction et je marche sereinement dans la nef principale en direction de la sortie.  Sur le parvis, une vieille connaissance m’attend.

Alors on t’as donné l’absolution ? , fait le type aux cheveux rouges avec un sourire narquois.  

Et bien plus encore, Ricky.

Bon trêves de plaisanterie,  t’es sûr que tu veux te barrer de Rome ?

Sûr et certain.

Je pense que je n’ai jamais été aussi honnête de ma vie.

Parfait parce que j’ai un super plan qui va nous rapporter un paquet de fric. Mais j’espère que t’as pas peur de faire de la route parce que ça se passe à Bâton-Rouge...

Lorsqu’on l’écoute, ses combines à deux balles sont toujours géniales. Mais réalité, je n’en ai jamais connu une seule qui ait fonctionné.  Sacré Ricky.

Bâton-Rouge ?  Je lève un sourcil, feignant un intéressement quelconque. Là-bas ou ailleurs, peu importe.

Le cœur de la Louisiane, vieux ! Parait qu’en plus les filles sont chaudes comme la braise ! Alors t’en dis quoi ?

Eh bien, Ricky, J’en dis…cap sur la Louisiane !

Je souris en le voyant jubiler comme un enfant. Avant de partir, j’allume une cigarette devant la Vierge Marie et je jette un dernier coup d’œil à l’église Sant'Eusebio, sans regret.

Le Neuvième Cercle — Le Parjure.

Assis sur un trottoir, l’esprit embué par l’alcool, je me demande ce que je fous encore dans cette galère. Le vieux a mal choisi son moment pour clamser, c’est sûr. Et pourquoi ici ? Pourquoi Venise ?  Je regarde une gondole passer  sur l’eau calme des canaux et j’ai comme l’envie pressante de vomir.   A ce que mère m’a dit, il avait décidé de venir s’installer dans ce lagon de rêve sur un coup de tête, du jour au lendemain.  Mais ce changement n’a pas été tout à fait idyllique. Et voilà que maintenant, une pierre deux coups, il faisait un orphelin et une veuve.  Mère quitte ce rafiot de malheur et je la comprends. Elle retourne en Autriche, elle qui a toujours dit vouloir passer ses vieux jours là-bas. Elle ne pensait pas que ce temps viendrait aussi vite. Moi non plus d’ailleurs. Mais à vingt-trois ans, j’ai d’autres problèmes désormais. J’ai un nom et une lignée à perpétuer. Et je suis saoul dans un caniveau.

On s’approche de moi. Entre les ricanements, j’entends des chuchotements incompréhensibles. Puis une voix s’élève distincte,  cette fois-ci :

Dante, mon petit, on t’a enfin trouvé. Depuis le temps qu’on te cherchait.

Je relève la tête mais ma vision embrumée m’empêche de voir correctement.

Qui êtes-vous ? On se connait ?

Une main douce se pose sur ma joue et vient caresser ma peau. La voix de mon interlocutrice résonne à mes oreilles comme une douce musique.  

Non, mais tu vas apprendre à nous connaitre. Mais avant ça, il y a quelqu’un que tu dois rencontrer.  

On me soulève comme un pantin désarticulé. Je n’ai plus le contrôle de moi-même. Je suis lourd et sans volonté.  Mais l'impression n'est pas désagréable. J'accuse l'alcool d'être dans le coup.

J’espère qu’elle est jolie…

Je ne sais pas pourquoi je dis ça. Sur le moment c’est la seule chose que j’ai envie de dire.

Oui, notre Aileen est très jolie.  

Le Purgatoire — Retour en Enfer.

Je me réveille en sursaut, comme réanimé d’un coma profond. J’ai l’impression de m’être noyé et pourtant, tout est sec autour de moi.  Je sens une odeur boisée et je me souviens. La cabane. Tiana. La sorcière.   Mais il y a autre chose. Je me relève en sueur, les yeux mouillés.

Mon père est mort ! Mais quand ?

Je regarde dans tous les sens à la recherche d’une réponse.  Tiana me prend dans ses bras et je sens la chaleur de son corps se diffuser dans le mien.

Chuut, c’est fini, murmure-t-elle.

Je me calme, tout doucement. Persuadé désormais  d’avoir fait un mauvais rêve.

Ce n’est pas encore arrivé, dit la voix caverneuse de la vieille femme.

Je me redresse et la regarde, médusé.

Ton père n’est pas mort, étranger.  C’est ça,  le futur.

Ma tête tourne. Je suis perdu. Je pense que cette femme est folle.  Mais soudain, je sens une douleur dans la paume de ma main gauche.  Une rose des vents encore sanguinolente y est désormais gravée. Je panique et  repousse violemment la jeune femme.  Mon corps  tremble et trahit même ma voix.

Qu’est-ce que vous m’avez… fait ? R-Répondez !

Rapidement, je vois dans l’expression apeurée de Tiana, qu’elles n’y sont pour rien. La sorcière attrape ma main et bande soigneusement la plaie.  

C’est un cadeau des esprits.  Sois en honoré.

Mais je comprends sur l’instant qu’il n’en n’est rien. Il ne s’agit ni d’esprits ni d’un cadeau. C’est  le fardeau de Dieu. De mon Dieu.






   

HEY TOI LE JAMBONNEAU !



   
TSOTSO
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IAN 【DRAGON NEST】


   
Alone Caesus
Alone Caesus


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Dim 8 Juin - 13:42
Très très belle fiche huhu. C'était très agréable à lire et on est pris dans l'histoire de ce malheureux Dante!
Tu es donc validé sans aucun soucis! ♥

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