DRAMATIS PERSONAE

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CONTEXTE

Venise a sombré, Venise a peur. L'eau s'est teintée de rouge, les rues devenues dangereuses. Cette ville autrefois si magnifique, si belle, comme un petit paradis sur terre est devenue froide et lugubre. À la recherche d'une jeunesse éternelle, deux organismes s'affrontent dans les rues de Venise dans un jeu de meurtre inlassable.

Aileen LevyAres RiveiraMnemosyne
06.08

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Vincent ✞ my death waits like a bible truth

Vincent
Vincent


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Vincent ✞ my death waits like a bible truth Empty
Mar 17 Juin - 22:14
VINCENT
  27 ANS
  INCONNUE
  LUVENIS CIRCUS & LOUP-GAROU
  VERBUM ABSOLUTUM
 

La parole absolue, vérité indiscutable sous ses airs de supercherie. Vincent sait, Vincent est sûr alors Vincent dit et Vincent est cru. C’est aussi simple que cela, quelques mots soufflés pour que le doute se distille, pour qu’on se murmure “C’est vrai, c’est possible.” Quelques mots suffisants à un esprit incertain, parfois bien assez convaincants si la situation le permet. Vincent ne joue ni dans la surenchère ni dans l’impossible, il se contente de construire ses mensonges à petites touches, étape par étape. Jusqu’à en arriver à ce qu’ils deviennent inaltérables pour la cible. Jusqu’à ce qu’ils empiètent dans la réalité pour la déformer à leur image.


 


 

  CARACTÈRE
  Les questions se referment sur du vide, les mots suivent le vent sans atteindre le cible. Si on ne faisait que l’écouter, Vincent serait futile, un adolescent qui n’a pas grandi et qui donne seulement des bribes d’informations. Il a le regard insolent et moqueur des enfants à qui l’on n’a pas appris de limites. Il a le regard dur d’un homme qui a vu trop de barrières.

Ses précautions, sa prudence, paranoïa, souffleraient certains, l’ont toujours accompagné. Il avait peu d’amis mais beaucoup de connaissances, énormément d’influence mais peu de pouvoir, au fond. Cet état l’a suivi, lui a collé à la peau jusqu’à l’en asphyxier. Ce qu’il voulait, c’était la Vérité, nue et entière, la Vérité pour qu’il cesse d’errer dans les ténèbres, à la recherche de quelque chose qu’il n’atteindra pas. Il voudrait s’y résigner, admettre qu’il ne saura jamais mais elle bouillonne dans ses veines, l’envie dévorante de savoir,  de pouvoir se raccrocher à quelque chose de palpable et de Vrai.

Il y a renoncé depuis des années, des années d’erreurs, des années à s’aveugler. Il a longtemps été borné, il a longtemps refusé tous les signes, il a longtemps côtoyé la mauvaise foi, son amante de prédilection. Et il a fini par y laisser des plumes.

L’enfant entier, vite passionné, qu’il était n’a pas survécu dans un monde où il s’est préparé à tout, où il a laissé les mots et les apparences devenir son arme préférée. Ses points faibles sont en réalité utilisés comme armure, hissés haut et brillants à la vue de tous, sans qu’on ne les discerne. Il a l’air si lisse, si impénétrable qu’on est surpris, souvent, à le voir si agréable et charmant.

Un parfait gentleman qui adopte l’excentricité comme sa meilleure amie et qui fait de l’égocentrisme sa religion. Un cocktail qui le rend intriguant, à défaut de donner envie de le fréquenter pour plus de 10 minutes. Vincent n’a pas la parole avare, après tout, et les reproches, les moqueries à peine voilées sont bien assez nombreuses dans ses conversations.

Le vrai et les révélations, au contraire, se font avares, fuyants sous l’avalanche de mots qu’il peut dispenser. Il a ce talent dont il n’hésite pas à se servir, il a ces lames invisibles qui se fichent dans la chair, pour qu’il puisse utiliser sa cible comme une marionnette, tisser sa toile sous ses sourires avenants et sa folie douce.

Il n’a besoin que d’un geste, après tout, pour tuer sa cible à la nuit tombée.

 

 

  HISTOIRE

I. Les rayons de nos mensonges


5 mai, 1994


Le rideau s’était refermé pour la première fois sur son regard émerveillé, sur les frissons qui paraient sa peau pâle. Sa petite main avait cherché celle de sa mère et l’avait serrée, fort, fort, comme gagnée par l’émotion. Dans ses grands yeux dansaient des flammes ravies, extatiques, un émerveillement naïf, vierge, alors, des ombres qui ne cesseraient de hanter son regard. Dans sa voix et son rire se distinguaient une admiration sans borne, un bonheur simple et naïf, la joie de celui qui découvre quelque chose qu’il aime pour la première fois.

Il avait murmuré « C’était un beau spectacle, je te remercie, maman. » et elle lui avait souri, heureuse de pouvoir montrer le théâtre et ses trésors à son fils unique. Il avait murmuré « Elle… était incroyable. » et elle avait pâli, mal à l’aise, comme si elle s’était sentie tomber.

Il n’avait que 7 ans mais pourtant, ses yeux ne pouvaient se détacher de l’actrice principale, ses cheveux blonds ruisselant dans son dos, son regard fier, son sourire insolent derrière ses lèvres closes. Elle attirait les regards, cette toute jeune actrice, cette étoile montante du théâtre de Florence. On se l’arrachait pour les plus belles pièces, on venait la voir et puis on revenait la voir parce qu’on était séduit. Elle-même en faisait les frais, ne pouvait rivaliser. Plus âgée, moins belle et pas ce magnétisme, pas cette fêlure dans la voix qui faisait monter les larmes aux yeux et l’amertume au cœur.

Il avait demandé « Quel est son nom ? » et elle l’avait chuchoté, comme s’il lui arrachait les lèvres. Il avait demandé « Me la présenteras-tu ? » et elle avait acquiescé face au regard brillant, à l’espoir à peine contenu.  Il avait demandé « Maintenant ? » et elle avait soupiré, souri. Sale gosse capricieux.

Ses gestes mesurés, sa politesse et son charme naturel avaient ouvert bien des portes à l’enfant. Il était toujours posé, toujours souriant, toujours plein d’une certitude inébranlable. A son cou pendait une croix d’argent qu’il tenait entre ses doigts et faisait lentement tourner quand il réfléchissait. A son front s’égaraient des mèches d’un rouge délavé, plus rosé chaque jour. A ses lèvres venait un sourire confiant, ruisselaient des mots qui semblaient étranger à son âge  – ses caprices et ses revirements plus enfantins, alors, prenaient un charme nouveau parce qu’inhabituel –. A sa main droite était attachée une gourmette d’or, aux lettres élégantes et fines – vincere –, une prédiction sans aucun doute.

Il ne lui avait pas parlé la première fois qu’il l’avait vue. Elle avait 16 ans, il n’était qu’un gamin et ils n’avaient pu se frayer un chemin jusqu’aux loges. Mais il avait gardé son nom en mémoire, gravé son visage et sa voix, le cœur battant comme un oiseau pris en cage à chaque fois qu’il la regardait jouer.

Il avait été déçu mais avait compris, bien sûr, bien sûr, une autre fois, venons la voir et elle s’était tendue piégée, elle ne pouvait rien lui refuser.

Plus tard, elle tenta bien de le corriger, de lui dire qu’ils allaient voir Phèdre et que c’était une belle pièce, il n’avait pas besoin de la reléguer à un simple faire-valoir de l’actrice. Un miroir pour qu’elle seule brille, à ses yeux, aux yeux de tous. Mais il ne l’écoutait pas, il était ravi de pouvoir revoir Arabella.


1er décembre, 2005


« Là, à droite, Vincent. Ton cavalier peut menacer la reine et il est protégé par le soldat, juste ici. »
« Je sais comment jouer, je n’ai pas besoin de tes conseils. »

Un soupir, une main fatiguée qui passe sur son visage. L’adolescent est pâle, les yeux et les cheveux foncés. Il a l’air de celui qui a trop grandi en court laps de temps et cela se sent dans ses gestes maladroits, dans sa silhouette dégingandée qui peine à trouver un point d’équilibre. Il se sent souvent comme un épouvantail à côté de Vincent et de sa physionomie harmonieuse. Vexé, il louche sur l’échiquier en quête d’une réponse au mouvement absurde que son meilleur ami vient de faire. Son adversaire n’en croit pas ses yeux et s’empêche de ricaner.

Gagner semble être d’une facilité déconcertante, face à celui qu’on reconnaît pourtant comme un très bon joueur. Il est de ceux qu’elle déteste sans même vouloir connaître, elle qui a dû étudier, qui a dû compter sur les sacrifices et la douleur pour pouvoir étudier dans cette école. Il est de ceux qui y entrent sans effort, sans même comprendre la chance qu’ils ont, enfants aisés, choyés, qui n’ont connu d’autre souci qu’une mèche (rose) mal coiffée le matin. Il est de ceux qui entretiennent le cliché, bien habillé, bien éduqué, aimant l’art, la musique, le théâtre (surtout le théâtre) et les jolies choses futiles. Il est de ceux qui ne présentent qu’un regard creux, vide, une étendue lisse où brille seulement l’indifférence, pour qui voudrait la saisir. Il est de ceux qui n’ont pas conscience de leur chance et, juste pour cela, elle voudrait l’écraser, lui faire mordre la poussière.

« Je ne crois pas, tu viens de perdre ta tour comme le dernier des crétins. »
« Ce n’est qu’une partie amicale, Syl’. Je n’ai pas envie de faire perdre tout espoir à Mademoiselle. »

L’appellation sonne comme une raillerie et c’en est une. Elle cligne des yeux parce qu’il y a comme un changement, comme un malaise dans l’air. Elle cligne des yeux parce que dans les siens, elle aperçoit une flamme dure, un éclair de colère et de haine qui la déstabilise. Elle lève les yeux sur Sylas, perdue et il l’évite, il fixe le jeu comme s’il espérait le faire disparaître par la force de son regard. Elle veut ouvrir la bouche, l’insulter, ce petit con arrogant qui montre enfin son vrai visage mais il arrête son élan de trois mots.

« Échec et mat. »

Et il se lève, part sans un regard en arrière, la laissant pâle et défaite, le sang battant à ses tempes.

Plus tard, elle apprendra que ce n’est pas de sa faute et qu’il est ainsi, détestable, arrogant, au fond. Elle se rendre compte qu’une fois le charme évaporé, une fois le vernis craquelé, il n’y a qu’amertume et haine. Elle se rendra compte qu’il est bouffé par les regrets, par des certitudes absurdes et des jugements qui sont en réalité des déceptions. Elle se rendra compte qu’il est habité par une déception immense, une peur panique d’une trahison qui le laissera à nouveau meurtri. Et une rancœur, un vide, par-dessus tout, plus vifs que jamais en présence des femmes.  


7 juillet, 1997


Il n’a jamais osé franchir le pas, aller la rencontrer. Arabella, son nom roule dans sa bouche comme s’il était fait de nuage et d’air, à la fois capiteux et léger. Il trouve des excuses stupides, dit avoir mal à la tête, un devoir le lendemain et, comble de l’incroyable, qu’elle a mal joué et qu’il a été déçu, ce soir. Mais les mensonges passent à travers elle parce qu’elle le connaît bien, au fond, son fils. Elle voit la lueur d’avidité dans son regard, le tremblement léger qui l’habite au plus fort de l’émotion, le rosissement léger de ses joues. Elle croit voir un premier amour malheureux, une souffrance à vif de celui qui ne sait pas ce qu’il veut.

Elle lui avait demandé ce qu’il aimait, en elle et il lui avait dit « La Vérité. Elle est vraie, quand elle joue, elle est pure et belle. Elle pourrait atteindre Dieu. » . Elle avait été ébranlée, meurtrie devant tant d’admiration dans le regard de son enfant, lui qui ne l’avait jamais regardée ainsi. Il l’avait rassurée « Maman, ce ne sont que des rôles et je suis trop enthousiaste. » mais il mentait, comme il savait si bien le faire, comme il en avait pris la mauvaise habitude depuis son plus jeune âge.

Elle avait peur qu’au fil des ans, l’adolescent et puis l’homme cherche une autre image, un autre attrait et elle se plaisait à penser que son fils était sincère et touché par l’art. Elle fermait les yeux sur ses airs plus distants, sur ses remarques qui se faisaient cinglantes quand quelque chose lui déplaisait. Elle aimait le voir garder son calme, parler sans heurt, blesser sans coup mais son pragmatisme croissant lui serrait le cœur.

Quand elle l’emmenait à l’église, il lui demandait « Pourquoi y aller, je n’y ai vu que des prières inexaucées. » . Quand elle priait, pour son salut, pour que leur vie continue à être prospère, il lui demandait « Pourquoi continuer, si Papa continue à travailler sans relâche, elle le sera. » . Quand elle le poussait à lire, à se plonger à nouveau dans ce qui avait été le pilier de son enfance, à chercher à nouveau le contact du Seigneur, il ne lui demandait pas « Pourquoi le chercher, je l’ai entrevu dans les yeux d’Arabella. » mais elle le lisait dans ses yeux hésitants et blessés.

La croix à son cou s’était comme ternie. Il ne la touchait plus comme avant, était mal à l’aise en la voyant devant le miroir. Son esprit lui jouait des tours, imposteur, imposteur et il en avait même fini par brûler sa bibliothèque personnelle, sans dire un mot, étrangement satisfait devant les flammes qui léchaient et brûlaient les livres saints.

Elle avait pleuré quand elle avait trouvé le sol calciné et le meuble d’ébène vidé. Elle n’avait plus jamais versé de larmes pour lui dès qu’elle eut croisé son regard résigné, une blessure ouverte et à jamais sanglante.

Il serait, que Dieu ait pitié de son âme, condamné à porter le fardeau de ceux qui ne peuvent plus croire.


2ème décembre, 2005


« Tu ne me crois pas, Vincent. »

Le silence lui répond, tranquille, moqueur. Le père et le fils ne se sont jamais fait de cadeaux et leurs échanges houleux ont gagné en violence sous-jacentes, en insultes latentes avec les ans. Consterné, Vincent tente de rassembler ses idées, de refaire le point sur les révélations qui viennent de lui être faites.

Il voudrait juste lui dire d’arrêter de se surmener, de redescendre sur Terre parce que les histoires fantastiques ne sont plus de son âge. C’est un père de famille, un banquier honorable, un vieillard, bientôt et il distingue dans chaque ride un souci, dans chaque courbature une blessure qui n’a pas guéri. Il lui en veut, oui, c’est une rancune tenace qui le pousse à se montrer aussi blessant, aussi peu indulgent envers ce père qu’il n’a que trop peu connu.

« Oui, il semblerait que je sois catalogué comme celui qui ne croit jamais rien. Tu dois être si fier. »
« Suffit. »

Le poing s’abat sur la table de bureau, fait vaciller la bague qui y avait été soigneusement posée. Vincent ne la regarde toujours pas, détourne les yeux. Son cœur bat trop vite, ce même espoir, toujours, grandissant et si vite déchu. Il y a longtemps, si longtemps déjà qu’il ne s’est plus laissé séduire par le chant des sirènes, par la promesse que ce qu’il a pu aimer n’a pas été vain. Mais il y a si longtemps, aussi, qu’il s’y est brûlé les ailes.

« J’aurais préféré donner cet héritage à quelqu’un d’autre, crois-moi. » Quelqu’un de plus digne, quelqu’un de meilleur. Une personne qui connaisse la compassion, qui connaisse la valeur de l’effort, qui reconnaisse celui grâce à qui nous existons. Il ne le dit pas mais Vincent l’entend et sourit davantage. « Mais il te revient. Tu ne pourras t’y soustraire, même si tu méprises tout ce à quoi il renvoie. Maintenant prends cette bague. »
« Non merci, tu sais que cela fait des années que j’ai renoncé aux bijoux. » Un coup au cœur. Au creux de son coup reste juste une brûlure invisible.
« Je ne veux pas savoir. Ce sera la première et la dernière chose que je te demanderai. »

Il hésite, se radoucit pour la première fois. En levant les yeux sur le visage fatigué, ridé avant l’âge, il se rend compte qu’il le lui doit bien, cette faveur. Il ne peut se résoudre à faire comme s’il y croyait, à faire comme s’il y entrevoyait la lumière qu’il cherche et fuit à la fois. Mais il peut au moins la porter et accepter de jouer son rôle, le moment venu.

Le bijou est glacé contre son doigt. Etrangement, son poids et sa froideur lui semblent familiers, comme s’il retrouvait un vieux souvenir.


2 octobre, 1999


Les jours suivant son départ étaient moroses, teintés d’une amertume qu’il insufflait à tout son entourage. Il avait l’impression de la croiser à chaque coin de rue, d’entendre leurs éclats de voix qui se déchainaient sur des disputes sans sens. Sa mère le suivait d’un regard inquiet, incapable de comprendre ce qui pouvait lui manquer, ce qui le rendait si nerveux et si facilement irritable, lui d’habitude si réservé et patient.

Elle lui posait la question « Vincent, Vincent, que t’arrive-t-il ? » silencieusement puis en hurlant, sans réponse, sans attention de sa part si ce n’était des haussements d’épaules. Il avait murmuré, juste une fois « Elle est partie. » et elle s’était tue.

Elle n’était pas si naïve qu’il le pensait, si aveugle. Elle connaissait son fils, son fils si insolent, si lunatique et insaisissable, mieux que personne. Elle l’avait vu se radoucir, devenir davantage enfant et moins adulte avant l’heure au contact de cette fillette qui n’était plus là, depuis quelques jours. Elle l’avait vu oublier ses craintes, oublier ses angoisses, perdre volontairement ce contrôle qui lui était si cher pour être plus ouvert, plus humain.

Elle s’était tant de fois mordu la langue pour ne pas lui dire « Vincent, je ne te pensais même pas capable d’avoir des amis. » parce que ç’aurait été cruel. Même si vrai, terriblement vrai, il n’aimait personne, ne regardait personne si ce n’était Arabella. C’est ce qu’elle avait cru, c’était ce dont lui-même s’était persuadé. Et heureusement, inexplicablement heureuse, elle se rendait compte que c’était faux.

Alors, quand elle le voyait énervé, elle lui proposait de voyager. De partir un jour ou deux, où il voulait. Elle faisait mine de ne pas remarquer qu’une même destination revenait, souvent. Qu’il envoyait du courrier à la même adresse et que les lettres qu’ils recevaient étaient signées d’un « L » élégant et féminin. Elle se contentait juste de sourire et de lui ébouriffer les cheveux, comme le faisaient les mères, comme elle aurait dû faire depuis le tout début.

Il ne la remerciait pas mais elle le comprenait à ses regards, à ses gestes. Il avait ouvert les yeux et réalisait que son premier amour n’était pas celui qu’il imaginait.  


21 mars, 2007


« Tu as lu les journaux ? »
« Oui. »
« Alors, tu en penses quoi ? »
« C’était effectivement un beau match. »
« »

Sylas retient son envie de se cogner la tête contre la table. Sérieux comme un pape, Vincent regarde ses cartes d’un air impassible. Il croirait à cette apparence s’il n’y avait cette lueur rieuse dans son regard.

« Espèce d’abruti, tu sais bien de quoi je veux parler ! Tu penses que c’est vrai ? Ces gens … différents ? »

Vincent hausse les épaules. Il est peu disposé à parler, surtout sur ce sujet. Délicat, si délicat. Les rumeurs ont enflé, se sont propagées partout. On parle d’étranges pouvoirs, on parle de dons ou de malédiction, il ne saurait dire. On parle de choses qu’il avait enfouies dans sa mémoire, de choses qu’il pensait impossible.

A son doigt, la bague semble le brûler.

Il regarde son jeu, amer. Même s’il a un roi, il n’a nulle valeur sans les autres cartes. Il a besoin d’une distraction, de continuer la discussion. Il a besoin de réponses.

« Peut-être. Un aveu à faire ? Tu te sens peut-être différent ? » Son ton est narquois mais il écarquille bien vite les yeux en voyant la rougeur sur le visage de son adversaire. « Tu… ? »

Le silence lui répond. Ses mains commencent à trembler, doucement puis de plus en plus fort. Il en fait tomber les cartes mais ne s’en préoccupe pas, les yeux grands ouverts, toute couleur enfuie de son visage. Des bruits de voix lui parviennent quand il sort de la pièce en trombe, les yeux comme brillants d’une folie furieuse.

Les portes de sa bibliothèque personnelle s’ouvrent avec fracas, en ressortent des livres qu’il avait brûlé, jadis, mais qu’il a rachetés, qu’il a étudiés méthodiquement, étudiant en art oblige, avec le cynisme de ceux qui veulent les reconnaître comme faux. Il feuillète les pages, le souffle court, le corps tremblant, parce qu’il sait qu’il la touche du bout des doigts.

La lumière, celle qui l’a fuie, qu’il a fuie pendant tant d’années.

Elle est là, l’Eternité à protéger, la réponse à sa muette question. Elle se manifeste et, cette fois, il ne s’y dérobera pas.


30 novembre, 2005


A l’aube de ses 18 ans, il alla la voir pour la première fois. Il y avait 11 ans, déjà, qu’il suivait ses pièces, son jeu. Son regard se ternissait avec les années, voyait les artifices, l’envol de sa jeunesse et de sa beauté. La femme lumineuse, à l’aube de sa vie, à l’apothéose de son talent avait laissé place à un jeu superficiel, un épais maquillage dont il percevait directement les fêlures et les défauts. Il voyait, sous la peau toujours fraiche et lisse, des grimaces qui assassinaient les quelques illusions qui lui restaient.

Il avait ri, jusqu’à en pleurer, jusqu’à en avoir mal aux côtés et on l’avait regardé de travers, enfin, en plein spectacle ! Il avait essuyé les larmes de ses yeux, un fou rire tremblant aux lèvres et avait répété, comme une litanie « Dire que c’est pour ça que je me suis détourné de lui. » Un dément, sans aucun doute, un fou furieux et il en avait mal au cœur.

Sa loge sentait le parfum, le maquillage, comme il s’y attendait. Rien d’authentique, rien de réel, juste une épaisse couche de fumée. Il lui avait apporté des fleurs et elle avait été ravie. Sous la lumière des néons, elle ne paraissait plus aussi belle, même si elle avait son charme. Il avait eu un gout de cendre dans la bouche en l’embrassant.

Ses murmures s’étaient faits rageurs et l’orage au dehors avait masqué les cris d’Arabella, obscène, comédienne jusqu’au bout. Elle avait des airs ingénus et languides, un regard vorace, une satisfaction palpable de pouvoir encore, encore, séduire ses nombreux soupirants. Il avait eu un regard froid, un sourire coupant quand il avait laissé tomber quelques billets sur le lit en soufflant « Merci pour le spectacle. » . La marque de sa main sur sa joue l’avait moins brûlé que sa gorge serrée.

C’était la dernière fois qu’il allait la voir. Il enterrait ses souvenirs et, avec elle, tout espoir de pouvoir à nouveau contempler la Vérité et l’Eternité. Le temps avait fait son œuvre, l’avait préparé à sa réalisation à venir. Il n’en ressentit qu’un pincement au cœur, juste assez pour le faire cligner des yeux.

Personne ne le vit jamais arborer sa croix d’argent. Il n’en est plus sûr mais il est persuadé d’avoir vu la main élégante, aux longs ongles vernis de rouge, l’arracher sans état d’âme.


II. Sous la lumière de la pleine lune


6 avril 2007, Milano


Chère L.,

Le temps se dérobe et s’enfuit, sans que je ne puisse fermer mes doigts sur ce que je recherche. Il y a si longtemps, déjà, que tu as quitté Florence, ses rues maintenant vides, ses silences devenus oppressants. Il y a toujours, dans les endroits que nous avions fréquenté autrefois, quelque chose qui m’y attire à nouveau. Sans que je ne puisse y retrouver l’insouciance de nos jeunes années.

J’aurais aimé pouvoir te rendre visite mais le temps m’est désormais compté. L’Italie et le monde me sont grands ouverts pour que je puisse y découvrir ma voie. J’ai dans l’espoir qu’un jour, nos routes se rejoindront à nouveau, sous le même sceau. C’est davantage qu’un espoir, une certitude.

Mes voyages me semblent vains, pour le moment. Je ne me faisais que peu d’illusions quant à la facilité de mon entreprise mais j’espérais que l’acharnement et la patience en viendraient à bout. Les routes sont vierges de ce que je recherche et remplies de distractions et de pertes de temps.

Tu dois sans doute te demander ce qui m’occupe tant, depuis quelques mois maintenant. J’ai dans l’idée que le jour où tu sauras viendra bien assez tôt.

Je t’écris entre deux trains, deux vols, deux voyages. Parce que tu sais, tu sais, tu es la seule personne qui puisse encore occuper mes pensées en ce moment. – ratures – Je garde l’espoir de te revoir au plus vite.

Vincent


9 septembre 2008, Roma


Tu as suffisamment voyagé pour savoir que chaque ville a deux visages. Et Rome ne fait pas exception, tu en es bien conscient. Dans le noir, tes pas semblent menaçants, dans les rues étroites, tout semble avoir un air lugubre. Mais la ville n’est dangereuse que pour ceux qui possèdent, qui sont riches de biens que l’on peut leur dérober. Tu n’as que ta vie et ta quête, ta quête qui te semble sans fin.

Il doit être si près, si près et pourtant tu ne peux l’atteindre.

C’est pour ça que tu t’y aventures sans peur, approches ceux que personne ne voudrait approcher. Tu murmures un nom, tout bas, parce que tu sais qui tu cherches et on te donne des directions différentes, des conseils jamais similaires. Tu prends sur toi, chaque soir, tu fréquentes les ombres avant d’oser te montrer en pleine lumière. Tu ne veux pas te tromper, tu ne veux pas de refus, tu ne peux te permettre d’échouer.

Oui, si près, tu dois juste les avoir à ses côtés. Et tu as désespérément besoin d’un signe.

Quand on te parle du garçon, à mots couverts, tu es surpris. Pas réellement peiné, tu n’es que Vincent, incapable de compassion, mais tu écoutes, attentif. Tu tiens à ce qu’on re suive par choix, pas par obligation, pas par dépit. Tu tiens à ce que ton chemin soit vide de traitres.

Quand il le trouve, enfin, enfin, tu ne réfléchis même pas. Tu lui offres son avenir, celui qu’il mérite, celui qu’il doit avoir à tes côtés.

Janus est la première base posée, la première pierre sur laquelle tiendra l’édifice. Et si tu sais que tu ne pourras jamais réellement le sauver de lui-même, tu es prêt à lui offrir un chemin différent. Où il aura un but, où il pourra protéger, sauver, à son tour.


3 février 2010, Venezia


Chère L.,

Je regrette ces heures, ces minutes. Elles ont suffi à balayer des années d’un revers de main, d’un geste. Il n’y a rien de pire qu’un refus, qu’une trahison – rature –, de la part de quelqu’un qui possède notre entière confiance.

Les mots n’ont pas la même valeur et la même force, une fois écrit, mais ils ont le mérite d’être clairs, sans ambiguïtés. Je ne renoncerai pas. Je ne veux pas croire à un monde où elle sera ouverte, en proie aux vandales, aux hommes. J’ai besoin de ton aide pour y parvenir, tu es une pièce d’un tout où j’ai moi aussi ma place.

Tu ne sais pas, pas encore, ce qui sommeille en toi, en nous. Je pense qu’alors, tu pourras me pardonner mes insistances. Et alors, tu pourras nous rejoindre comme il est écrit.

Je rassemble encore des pièces du puzzle, un par un. Tous ont une valeur différente, des aspects que je n’attendais pas. Mais un tableau prend forme, je peux le voir, chaque jour qui passe, chaque nouvelle nuance qui est apportée. Ne manquera plus que la tienne.

Vincent


13 août 2010, Firenze


Tu apprends le gout amer de l’échec, le gout de cendre de la trahison et de la défaite. Tu en as essuyé quelques-unes, ces quelques années. Certaines plus douloureuses, d’autres plus faciles à accepter. Mais toutes cuisantes par leur importance. Tu les veux tous, autour de toi, pour servir un même but, le regard tourné dans la même direction.

L’idée qu’on refuse ce devoir, qu’on se détourne de ce chemin te laisse frustré, incompréhensif.

Tu as trop perdu en cours de route pour te permettre d’abandonner maintenant. Tu as laissé trop de doutes te détourner du vrai chemin pour te permettre d’y renoncer si près. Tu as trop attendu que les preuves viennent pour t’en détourner à présent. Et tu parcours le pays, sans relâche, tu es même prêt à parcourir le monde.

Tu tends la main, tu offres, tu reçois. Ce que tu montres est vérité, tous peuvent le voir et le sentir.

Le sang nouveau qui coule dans tes veines t’aide, t’ouvre tes portes. Tu es Vérité Absolue, c’est si ironique, si laid, cette empreinte sur tes mots. Mais tu as appris à sourire face au destin, cruel, farceur, pour ne laisser qu’une satisfaction amère. Le résultat est là, se déploie devant toi, alors, le reste peut partir en fumée.


14 juin 2011, Verona


Chère L.,

Il y a une année, déjà, que je n’ai reçu de lettre, d’appel, peu importe, que j’ai l’impression que tu es partie, enfuie à tout jamais, que je ne pourrai plus jamais t’avoir à mes côtés – rature –. Je m’inquiète de ton silence et des nouvelles qui semblent mauvaises.

Je serai à Venise dans quelques jours.

Vincent


2011, Venezia


Dans la rue, on s’écarte de lui ou au contraire, on le regarde avec des grands yeux. Vincent ne passe pas inaperçu, même à Venise, surtout à Venise. Les rumeurs sur Luvenis Circus ont enflé, se sont ensanglantées d’accusations et de méfiances.

Ils y ont fait face, ils s’y sont presque noyés, par moments mais le temps a fait son œuvre, parjure et traître, il a emporté des méfiances tout en exacerbant d’autres. Ils ont dû faire briller leurs artistes, ils ont ébloui le monde pour se faire une place dans la ville. Ils ont dû faire taire leurs peurs, leurs craintes face au déferlement de haine, de danger, face à la menace toujours présente.

Son expression semble toujours trop fermée, ses mots trop crédibles, trop insistants et on y est vite pris au piège parce que Vincent, Vincent, ne laisse rien au hasard. Vincent contrôle chacun de ses acolytes, chacun de ses compagnons et chacune de ses paroles.

S’il l’avait su, à temps, il aurait pu éviter l’inévitable. Il n’aurait pas vu la tombe, blanche, blanche, blanche et le regard, blanc, blanc, blanc, toute cette douleur qu’il n’était pas prêt à supporter, cette culpabilité, terrible culpabilité, quand il sait qu’on voit sans vraiment voir.

Il y a des nuits où il entend tout, en boucle, comme un refrain lancinant.

Tu n’as pas besoin de mener l’enquête.
Je ne suis pas armé.
Tu vas mourir.
Il n’y avait personne.
Tu es aveugle.
Tu es aveugle.
Tu es aveugle.
Tu es aveugle.


Et il voudrait hurler mais il ne peut pas, il ne peut plus, depuis tant d’années déjà.

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Dans la rue, on s’écarte de lui ou au contraire, on le regarde avec des grands yeux. Vincent ne passe pas inaperçu, même à Venise, surtout à Venise. Mais il n’a aucune envie de se fondre dans la masse, aucune envie de redevenir fantôme. Il est la tête, il est le cœur, il est la cible volontaire tout en gardant le contrôle. Il est loup solitaire sans vraiment l’être et, même si cela lui pèse, il porte le masque pour voir plus loin.

Il veut devenir paroi infranchissable, entre les dieux et les hommes, pour arrêter leur folie.



 
NOADCOCO
  17 ANS
  COUP D’UN SOIR, MAIS IL M’A RAPPELE ET ON EST DEVENUS POTES
  GROSEILLE
  SANETOSHI WATASE 【MAWARU PENGUINDRUM】
 
Vincent
Vincent


Merci qui : DP Messages : 14


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Lun 4 Aoû - 21:02
Gnyah!

Présentation enfin terminée, bonne (oupas) lecture 8D

EDIT : VA TE CACHER XD enfin t'y arriveras pas vu que tu VOIS PAS.
EDIT ALONE: Il était temps Vincette. e3e
(Oui je mets une police qui tue les yeux, huhuhu.)


RE EDIT : MES OEIIILS! Et ça va hein au moins ceyfait D8< merciii
Layce J. Kleozs
Layce J. Kleozs


Messages : 43


Vincent ✞ my death waits like a bible truth Empty
Lun 4 Aoû - 21:35
Je te vois.



/meurs.
Alone Caesus
Alone Caesus


Age : 29 Merci qui : BERLINGOT. ❤ Messages : 217


Vincent ✞ my death waits like a bible truth Empty
Lun 4 Aoû - 22:32
C'est mal écrit, on comprend rien. Ta chronologie ressemble à rien, recommence honey.

Blague à part! Tu peux le deviner c'est très bien écrit, le personnage est cerné. On en attendait pas moins de ta part ceci dit. ♥️ Tu es évidemment validé pour cher Vincent!  Vincent ✞ my death waits like a bible truth 1669886597 
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